Oenotourisme en Beaujolais
Voilà une région viticole souvent méconnue, mais qui mérite pourtant qu'on s'y attarde. Une région qui me faisait de l’œil depuis un moment et dans laquelle je n'avais jamais pris le temps de m'arrêter. Lorsque je vais chez ma sœur à Chambéry, je passe sur l'autoroute entre Mâcon et Lyon, de laquelle on aperçoit les Monts du Beaujolais. J'avais même logé dans un village aux portes du Beaujolais en décembre 2016, mais en plein mois de décembre, le brouillard était à couper au couteau, si bien que je n'avais pas eu l'occasion d'aller me balader dans le vignoble. C'est chose faite depuis l'été 2020, et je ne suis pas déçue du voyage ! Une région assez proche de la Touraine (5h de route environ), que nous avons choisie pour nos vacances car nous avions besoin de faire le plein de vins rouges légers et faciles à boire. C'est cette réputation qu'ont les vins du Beaujolais, mais cela ne se résume pas à ça... ni au Beaujolais Nouveau, mis sur le marché chaque troisième jeudi de novembre. Petite présentation de la région et quelques recommandations touristiques.
Des vignes à perte de vue
Vous aimez les paysages viticoles ? Vous allez être servis ! Notamment dans la partie nord, où sont produits les crus. Le Beaujolais, ce sont des paysages vallonnés et plantés de vignes à perte de vue. La particularité du vignoble : beaucoup de vieilles vignes taillées en gobelet, très près du sol et sans palissage (parfois des échalas - pieux autour desquels on attache les rameaux de la vigne - mais pas de fil de fer, et les vignes ne sont pas toujours plantées en rangs). Autant vous dire que les machines sont exclues pour la plupart des travaux viticoles. On imagine la difficulté pour les vendangeurs qui doivent passer la journée accroupis ou à quatre pattes dans les vignes !
Un cours de géologie à ciel ouvert
Si vous vous intéressez à la géologie, vous aimerez arpenter le vignoble du Beaujolais, en particulier la partie septentrionale des crus. Et même si les cailloux ne vous bottent pas plus que cela, il faut avouer que les sols entièrement recouverts de morceaux de granite et de schiste dans certaines parcelles de vignes sont impressionnants. Au sud de la région, on trouve des sols de calcaire et d'argile, moins pauvres et moins hostiles à la végétation, donc aussi propices aux cultures agricoles. Pour comprendre les sols du Beaujolais, une visite au Géoscope du Mont Brouilly s'impose : un lieu pédagogique qui recense toutes les roches de la région, explique leur formation, et offre un superbe point de vue sur le vignoble. Et si vous passez dans le coin, n'oubliez de monter à la Chapelle Notre-Dame-des-Raisins, construite en haut du Mont Brouilly en 1854 pour protéger les vignes des intempéries et maladies.
Oenotourisme : mes recommandations
Le Beaujolais en mode 'slow tourisme' : à pied ou à vélo ?
Le Beaujolais est une région idéale pour qui aime profiter de superbes paysages et de la nature tout en pratiquant la randonnée ou le cyclotourisme. Une précision : ça grimpe ! La région est située sur les contreforts du Massif Central et comme leur nom l'indique, les Monts du Beaujolais sont constitués de collines, recouvertes de vignes et parfois très pentues. Alors si vous optez pour les balades à vélo, mieux vaut être un bon grimpeur, ou s'équiper d'un vélo à assistance électrique. La marche à pied vous permettra d'accéder plus facilement aux parcelles de vignes, dans lesquelles il ne faut pas hésiter à s'aventurer pour observer les sols, les puits et les cadoles (c’est le nom donné localement aux loges de vignes). On voit aussi parfois de jolis puits au milieu des vignes. Des chapelles surplombent les mont les plus élevés (comme à Fleurie ou sur le Mont Brouilly) et offrent généralement de jolis points de vue sur le vignoble.
Les Pierres Dorées, le sud du Beaujolais
Dans le sud du Beaujolais, les vignes se font plus éparses et se partagent le paysage avec des cultures agricoles, rappelant ainsi les vignobles de Gaillac ou de Cahors, mais aussi la Toscane.
La région tire son nom des pierres utilisées ici pour les constructions. Des pierres de couleur ocre clair qui au moindre rayon de soleil prennent des teintes orangées, jaunes, rouges, rosées. Cette "pierre jaune", comme l’appelaient les anciens, est colorée par les oxydes de fer et est relativement facile à travailler, ce qui explique qu’elle a été très utilisée pour les constructions du Beaujolais et du Lyonnais.
On trouve dans le secteur des Pierres Dorées le seul village classé 'Plus Beaux Villages de France' du département du Rhône : Oingt. D'autres villages valent également le coup d’œil : Theizé en Beaujolais (avec ses deux châteaux, son église et sa chapelle), Bagnols en Beaujolais où le temps semble s'être arrêté... On ressent comme un avant-goût du sud de la France quand on déambule dans ces villages.
Un restaurant à recommander : L'Auberge du Cep à Fleurie
Un restaurant à ne pas manquer à Fleurie : L' Auberge du Cep. Nous y avons dîné lors de notre première soirée dans le Beaujolais, et cela reste notre coup de cœur du séjour. Une salle à la décoration épurée, sur la place du village, un accueil discret mais chaleureux et une recherche de saveurs dans l'assiette qui nous a vraiment emballés. Avec ce repas, nous avons bu un Morgon de chez Marcel Lapierre, un domaine familial qui travaille ses vignes en biodynamie et produit chaque année deux cuvées de Morgon, non filtrées : l'une sans soufre, l'autre avec très peu de soufre. La première n'est vendue que si les clients peuvent la transporter et la conserver dans de bonnes conditions : si la température extérieure excède 14°C, la bouteille ne partira pas de la cave !
Les vins du Beaujolais
Un cépage emblématique
Nous ne pourrions conclure cet article sans évoquer les vins de la région. Le Gamay Noir à jus blanc est le cépage le plus planté dans le Beaujolais (98% des raisins cultivés). Il donne des vins généralement légers et peu tanniques, peu colorés et à l'acidité élevée, aux arômes prononcés de fruits rouges (canneberge, fraise, framboise) et de fleurs (iris, violette, rose).
Les AOC Beaujolais et Beaujolais Villages (en violet sur la carte) représentent la majorité de la production de la région. Elles se déclinent principalement en vin rouge, mais du vin rosé et du vin blanc élaboré avec du Chardonnay sont également produits. Le Pinot Noir, l'Aligoté, le Melon de Bourgogne et le Pinot Gris peuvent faire partie de l'assemblage à hauteur de 15%. Ils ne sont pas assemblés à la cave mais sont co-plantés, c'est-à-dire cultivés sur une même parcelle - une pratique largement répandue dans les vignobles français autrefois.
Les crus du Beaujolais
Ils sont au nombre de dix, tous situés dans le nord de la région. Seuls les vins rouges issus de Gamay sont autorisés. Connaissez-vous leurs noms ? Voici la liste, chaque cru ayant ses particularités :
- Saint Amour : le vin incontournable au moment de la saint Valentin ! Le village, situé à 3 km seulement de Pouilly (dans le Macônnais), abrite d'ailleurs un restaurant étoilé, tenu par un chef japonais et nommé 'Le 14 février'
- Juliénas (on ne prononce pas le -s final, comme pour Chénas), commune et appellation dont le nom vient de Jules César, qui a stationné avec ses troupes dans la région, à l'époque...
- Chénas, le plus petit des crus, et celui qui, avec Morgon et Moulin-à-Vent, a le potentiel de garde le plus long
- Fleurie : le plus féminin des crus, avec des vins souvent dits floraux
- Moulin-à-Vent, qui tire son nom d'un moulin classé monument historique en 1930, est surnommé 'le Roi du Beaujolais', car ses vins sont les plus tanniques et les plus charpentés
- Chiroubles : le plus représentatif du Beaujolais, avec des vins légers, fruités et délicats
- Régnié : le plus récent, l'AOC ayant été créée en 1998 (toutes les autres ont été créées entre 1936 et 1938, à l'exception de Saint Amour en 1948)
- Brouilly : le plus vaste des crus (20% de la surface dédiée aux crus)
- Côte de Brouilly : les vignes sont plantées sur les quatre flancs du Mont Brouilly, en plein cœur de l'AOC Brouilly
Deux domaines viticoles, deux cuvées coups de cœur
Il y a pléthore de domaines viticoles, dans les villages et les hameaux disséminés dans le vignoble. Nous avons visité deux domaines pendant notre séjour, recommandés par des amis travaillant eux aussi dans le monde du vin.
- Le domaine Dominique Piron à Villié-Morgon propose un large choix de crus. Parmi nos coups de cœur, la cuvée 'Quartz' 2016 en AOC Chénas : une découverte surprenante quand on pense, à tort, que les Beaujolais sont uniquement des vins légers, faciles à boire, et consommer dans leur jeunesse. En voilà un qui a du caractère, des tanins, une belle complexité aromatique et une belle minéralité, et qui sera aussi un vin de garde (7-8 ans).
- Le Château Thivin à Odenas, au pied du Mont Brouilly. Contrairement à beaucoup de vignerons du Beaujolais qui proposent une large gamme de crus, la famille Geoffray a choisi de se concentrer sur la production des AOC Brouilly et Côte de Brouilly, qu'elle vinifie en cuvées parcellaires, révélant ainsi les différents terroirs de production. Nous avons aimé toute la gamme, les vins ayant beaucoup d'élégance et de finesse, et le choix a été difficile au moment de l'achat. Un coup de cœur quand même : AOC Côte de Brouilly, cuvée 'Les Griottes de Bruhlié' 2018. La pure expression du Gamay, avec des notes de fruits rouges, de fruits noirs et d'épices, et malgré tout de la minéralité pour ce vin issu de vignes plantées sur les fameuses 'pierres bleues' du Mont Brouilly.
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